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Testament d'une menette à Boisset (1781)


Le nom de menette était donné, dans le Cantal, aux « filles dévotes de Sainte-Agnès » ; ce nom proviendrait de celui d'un abbé Menet, qui en avait organisé la confrérie, ou bien de la déformation de « moinettes ». Il s'agit de femmes célibataires, membres du tiers-ordre dominicain ou jésuite, vivant en petites communauté ou dans leurs familles au service des paroisses et des populations. En Velay, elles portaient le nom de « béates ».

On en retrouve la trace dans les registres de confréries ou dans les actes notariés, comme ici ce « testament mystique » dicté « a main a moy connüe » le 5 août 1781 dans la « maison curialle ». Laroque, notaire à Boisset, a mis ce testament au rang de ses minutes le 12 août suivant, en présence de Raymond Bourbouze, curé de Boisset, et de ses vicaires Jean Aygueparsses et Jean Feniès. Le testament est scellé d'un signet « de cire rouge » anépigraphe (dépourvu d'écritures) et simplement formé de cercles concentriques ondulés. Les témoins du 12 août sont trois « laboureurs » de Boisset.


Marie Brayat, qui habite le hameau de Merlet à Boisset, lègue 300 livres à son frère Antoine, « actuellement au royaume d'Espagne » ; à sa nièce et filleule Marie Brayat, elle lègue 100 livres et son « coffre tel qu'il sera à [sa] mort avec toutes [ses] nippes, la chargeant de distribuer et donner a ses autres sœurs, une pièce ou perne de toille a chacune, de celles qui se trouveront dans [son] dit coffre » ; à chacun des enfants de son frère Jean-Baptiste Brayat, 24 livres, et 24 livres à sa belle-sœur Catherine Bories. Elle institue son frère Jean-Baptiste son héritier universel, à charge pour lui de procéder aux legs susdits et de donner du pain et de l'argent au curé de Boisset à l'époque de sa mort. C'est le seul legs pieux de cette menette, qui sinon donne tous ses biens à sa famille.

Le Cantal eut des menettes jusqu'au XXe siècle. La plus célèbre d'entre elle est sans conteste Catherine Jarrige, dite Catinon Menette (1754-1836), qui cacha des prêtres réfractaires sous la Révolution et s'employa à soulager les misères du pays de Mauriac. Elle fut béatifiée par Jean-Paul II en 1996. Le terme de menette était aussi employé comme synonyme de « bigote », de façon affectueuse ou ironique. Dans les années 1950, les élèves de l'école publique de filles de Marcolès se moquaient de leurs camarades de l'école libre (avec lesquelles elles assistaient au même catéchisme du curé) en chantant :

Les menettes du couvent
Quand elles pètent ça fait du vent


Ces figures quelques fois pittoresques, encombrantes ou acariâtres, souvent attachantes, rendaient aux populations des services en matière religieuse et sociale et formaient une source inépuisable d'anecdotes à la verve anticléricale d'un Armand Delmas, auteur en 1904 des Menettes de Roumégoux.

ADC, 3 E 268/10, pièce 41 ; 3 BIB 587.

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